La Suspension d’un Employé Municipal pour Absentéisme Injustifié : Cadre Juridique et Pratiques Administratives

Face à l’absentéisme injustifié qui affecte le bon fonctionnement des services publics, les collectivités territoriales disposent d’un arsenal juridique leur permettant de prendre des mesures disciplinaires, dont la suspension. Cette procédure, encadrée par le statut de la fonction publique territoriale, constitue une réponse administrative à un comportement pouvant porter atteinte à la continuité du service public. L’absentéisme non justifié représente un coût significatif pour les finances locales et impacte la qualité des services rendus aux usagers. Cet exposé analyse les fondements juridiques, les modalités procédurales et les conséquences de la suspension d’un agent municipal pour absences répétées sans justification valable, tout en examinant les recours possibles et les stratégies préventives.

Fondements Juridiques de la Suspension pour Absentéisme

La suspension d’un employé municipal pour absentéisme injustifié s’inscrit dans un cadre légal précis. Cette mesure trouve son fondement dans la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ainsi que dans la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 relative à la fonction publique territoriale. Ces textes constituent le socle statutaire définissant les obligations de service des agents publics territoriaux.

L’article 29 de la loi de 1983 précise que « toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire ». L’absentéisme injustifié est considéré comme un manquement à l’obligation d’assiduité, principe fondamental du statut de la fonction publique. L’article 87 de la loi de 1984 rappelle que « les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération », ce qui implique a contrario que l’absence de service fait sans motif légitime peut justifier une retenue sur salaire, indépendamment des sanctions disciplinaires.

Dans ce contexte juridique, la suspension se distingue des autres mesures disciplinaires. Définie par l’article 30 de la loi de 1983, elle constitue une mesure conservatoire et provisoire, qui n’a pas le caractère d’une sanction disciplinaire. Elle vise à écarter temporairement l’agent du service, dans l’attente d’une décision définitive concernant sa situation administrative. Cette mesure est généralement prise en cas de faute grave ou de poursuites pénales.

Pour l’absentéisme injustifié, la jurisprudence administrative a progressivement précisé les conditions dans lesquelles cette mesure peut être appliquée. Le Conseil d’État a notamment considéré dans plusieurs arrêts que des absences répétées et non justifiées peuvent constituer une faute grave justifiant une suspension, particulièrement lorsqu’elles perturbent le fonctionnement du service public (CE, 21 février 1968, Aubertin).

Il convient de distinguer différentes formes d’absentéisme injustifié pouvant donner lieu à suspension :

  • L’abandon de poste caractérisé
  • Les absences répétées sans justification
  • Le refus de rejoindre une affectation
  • La prolongation non autorisée d’un congé

La jurisprudence a précisé que l’autorité territoriale doit apprécier la gravité du comportement de l’agent au regard de ses conséquences sur le service. Dans l’arrêt Commune de Béziers (CE, 9 novembre 2015), le juge administratif a validé la suspension d’un agent dont les absences répétées avaient désorganisé significativement le service municipal concerné.

Le cadre juridique prévoit que la suspension ne peut excéder quatre mois, sauf en cas de poursuites pénales. Durant cette période, l’agent conserve généralement son traitement, bien que des retenues pour service non fait puissent être appliquées pour les jours d’absence injustifiée antérieurs à la mesure de suspension.

Procédure de Suspension et Garanties Procédurales

La mise en œuvre d’une suspension pour absentéisme injustifié doit respecter un formalisme rigoureux, garantissant les droits de l’agent municipal tout en préservant les intérêts de la collectivité. Cette procédure s’articule autour de plusieurs étapes distinctes qui visent à encadrer le pouvoir disciplinaire de l’autorité territoriale.

Préalablement à toute décision de suspension, l’administration doit établir avec précision la réalité des absences. Un relevé détaillé des jours d’absence non justifiés doit être constitué, s’appuyant sur des éléments objectifs comme les pointages, les registres de présence ou les témoignages de responsables hiérarchiques. Cette phase de constatation est fondamentale car elle constitue la base factuelle sur laquelle reposera la légalité de la mesure.

Une fois les faits établis, l’employeur public doit adresser à l’agent une demande d’explication. Cette démarche, bien que non explicitement prévue par les textes pour la suspension, relève des principes généraux du droit et de la jurisprudence du Conseil d’État qui impose à l’administration de mettre l’agent en mesure de s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés (CE, 21 juin 2013, Commune de Vitry-sur-Seine).

La décision de suspension proprement dite doit être formalisée par un arrêté motivé, signé par l’autorité territoriale compétente, généralement le maire ou le président de l’établissement public. Cet arrêté doit mentionner :

  • Les faits d’absentéisme constatés avec précision
  • La qualification juridique retenue (faute grave)
  • La durée prévisible de la suspension
  • Les voies et délais de recours

La notification de l’arrêté à l’agent doit être effectuée selon les formes prescrites, généralement par lettre recommandée avec accusé de réception ou par remise en main propre contre signature. Cette formalité est substantielle et conditionne l’opposabilité de la mesure à l’agent concerné.

Les garanties procédurales spécifiques

La jurisprudence administrative a progressivement renforcé les garanties procédurales bénéficiant aux agents faisant l’objet d’une mesure de suspension. Le Conseil d’État a notamment précisé que si la suspension n’est pas une sanction disciplinaire, elle doit néanmoins respecter certains principes fondamentaux du droit administratif.

Parmi ces garanties figure le principe du contradictoire, qui implique que l’agent municipal doit être mis en mesure de présenter ses observations avant que la décision ne soit prise. Cette exigence a été consacrée par l’arrêt Lambert (CE, 19 novembre 1993), qui a annulé une mesure de suspension prise sans que l’agent n’ait pu faire valoir ses explications.

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De même, le principe de proportionnalité s’applique à la mesure de suspension. L’autorité territoriale doit s’assurer que cette mesure est adaptée à la gravité des faits d’absentéisme constatés. Une suspension ne saurait être justifiée pour quelques absences isolées sans conséquence majeure sur le service.

Parallèlement à la procédure de suspension, l’autorité territoriale doit engager une procédure disciplinaire si elle envisage de sanctionner l’agent pour son absentéisme. Cette procédure distincte respecte les règles prévues par le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux, notamment la saisine du conseil de discipline pour les sanctions les plus graves.

Il est à noter que la suspension étant une mesure provisoire, elle prend fin soit par la réintégration de l’agent, soit par le prononcé d’une sanction disciplinaire définitive. En tout état de cause, sauf poursuites pénales, elle ne peut excéder quatre mois, conformément aux dispositions de l’article 30 de la loi de 1983.

Conséquences Juridiques et Financières de la Suspension

La suspension d’un employé municipal pour absentéisme injustifié engendre des répercussions significatives tant sur le plan juridique que financier. Ces conséquences diffèrent selon le statut de l’agent – fonctionnaire titulaire, stagiaire ou contractuel – et méritent d’être analysées avec précision.

Sur le plan statutaire, l’agent suspendu est temporairement écarté du service, mais conserve sa qualité d’agent public. Cette situation administrative particulière implique que l’agent municipal demeure soumis à certaines obligations déontologiques, notamment le devoir de réserve et l’interdiction d’exercer une activité privée lucrative, sauf autorisation expresse. Le Conseil d’État a confirmé cette position dans l’arrêt Sieur Magiera (CE, 13 juillet 1966), précisant que « la suspension ne rompt pas le lien unissant l’agent à l’administration ».

La principale conséquence financière de la suspension concerne la rémunération de l’agent. Conformément à l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983, le fonctionnaire suspendu conserve l’intégralité de son traitement indiciaire, ainsi que l’indemnité de résidence et les suppléments familiaux de traitement. En revanche, les primes et indemnités liées à l’exercice effectif des fonctions peuvent être suspendues. Cette règle a été précisée par la jurisprudence administrative, notamment dans l’arrêt Ministre de l’Éducation nationale c/ M. Clavé (CE, 12 novembre 1997).

Il convient toutefois de distinguer la rémunération pendant la période de suspension et les retenues pour absence de service fait concernant les périodes d’absentéisme injustifié antérieures à la mesure de suspension. Pour ces dernières, le principe de l’absence de rémunération pour service non fait s’applique pleinement, conformément à la règle du trentième indivisible consacrée par la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961.

Les conséquences sur la carrière de l’agent sont également notables. La période de suspension est prise en compte pour :

  • L’avancement d’échelon et de grade
  • Les droits à pension de retraite
  • L’ancienneté générale de service

Particularités selon le statut de l’agent

Pour les agents contractuels, le régime de la suspension présente certaines spécificités. Le décret n° 88-145 du 15 février 1988 prévoit des dispositions similaires à celles applicables aux fonctionnaires, mais avec quelques nuances. Notamment, la durée de la suspension peut être limitée par les stipulations du contrat ou les règles de son renouvellement.

Pour les fonctionnaires stagiaires, la suspension peut avoir une incidence sur la durée du stage. Le Conseil d’État a jugé que la période de suspension n’est pas prise en compte pour la validation du stage (CE, 18 janvier 2013, M. A.), ce qui peut entraîner une prolongation de celui-ci.

Au terme de la période de suspension, plusieurs issues sont possibles. Si aucune sanction disciplinaire n’est prononcée à l’encontre de l’agent municipal, ce dernier doit être réintégré dans ses fonctions. Si une sanction est prononcée, ses effets se substituent rétroactivement à ceux de la suspension. Dans le cas d’une révocation ou d’une mise à la retraite d’office, les sommes perçues au titre de la rémunération pendant la suspension restent acquises à l’agent.

Il est à noter que la suspension peut avoir des incidences sur d’autres droits sociaux de l’agent. Concernant les congés annuels, la jurisprudence considère que l’agent suspendu continue à acquérir des droits à congés, mais ne peut évidemment pas les utiliser pendant la période de suspension. Quant aux droits à l’assurance maladie, ils demeurent ouverts, l’agent pouvant être placé en congé de maladie si son état de santé le justifie, ce qui met alors fin à la mesure de suspension.

Recours Juridiques et Contentieux Administratif

Face à une mesure de suspension pour absentéisme injustifié, l’employé municipal dispose de diverses voies de recours lui permettant de contester cette décision. Ces recours s’inscrivent dans le cadre général du contentieux administratif et présentent des spécificités liées à la nature particulière de la mesure contestée.

En premier lieu, l’agent peut exercer un recours administratif préalable, qui peut prendre la forme d’un recours gracieux adressé à l’autorité territoriale ayant pris la décision, ou d’un recours hiérarchique dirigé vers l’autorité supérieure. Ce recours doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêté de suspension. Bien que non obligatoire avant la saisine du juge, cette démarche peut permettre un règlement amiable du litige et conserve le délai de recours contentieux.

Le recours contentieux proprement dit s’exerce devant le tribunal administratif territorialement compétent. Il s’agit d’un recours pour excès de pouvoir visant à obtenir l’annulation de la décision de suspension. Ce recours doit être introduit dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision ou la réponse au recours administratif préalable. La requête doit être motivée et accompagnée de la décision attaquée.

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Les moyens d’annulation susceptibles d’être invoqués par l’agent sont variés et concernent tant la légalité externe que la légalité interne de la décision :

  • L’incompétence de l’auteur de l’acte
  • Le vice de forme ou de procédure
  • La violation directe de la loi ou des règlements
  • L’erreur de fait ou l’erreur de droit
  • Le détournement de pouvoir

La jurisprudence administrative a développé un contrôle approfondi des décisions de suspension. Dans l’arrêt Commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat (CE, 21 octobre 2013), le Conseil d’État a précisé que le juge vérifie si les faits reprochés présentent un caractère de gravité suffisant pour justifier une suspension. S’agissant de l’absentéisme, le juge examine notamment la fréquence des absences, leur durée, leurs conséquences sur le service public et les éventuelles justifications avancées par l’agent.

Les procédures d’urgence

Compte tenu des conséquences immédiates d’une mesure de suspension, l’agent municipal peut recourir aux procédures d’urgence prévues par le Code de justice administrative. Le référé-suspension (article L. 521-1 du CJA) permet d’obtenir la suspension de l’exécution de la décision dans l’attente du jugement au fond, à condition de démontrer l’urgence et un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

Le référé-liberté (article L. 521-2 du CJA) peut également être envisagé lorsque la mesure de suspension porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Toutefois, la jurisprudence considère rarement que la suspension constitue en elle-même une telle atteinte, sauf circonstances particulières.

En cas d’annulation de la décision de suspension par le juge administratif, l’agent municipal doit être rétabli dans ses droits. Cette réparation peut inclure la reconstitution de carrière et le versement des primes et indemnités dont il aurait été privé. Le tribunal administratif de Lyon, dans un jugement du 17 novembre 2016 (M. B. c/ Commune de Villeurbanne), a ainsi ordonné le versement rétroactif des primes de fonction à un agent dont la suspension avait été annulée.

L’agent peut également solliciter l’indemnisation du préjudice moral subi du fait d’une suspension illégale. Cette demande s’exerce par la voie du recours de plein contentieux et nécessite de démontrer l’existence d’un préjudice direct et certain. La Cour administrative d’appel de Marseille, dans un arrêt du 3 avril 2018 (M. D. c/ Commune de Nice), a accordé une indemnité de 3 000 euros à un agent municipal dont la suspension pour absences injustifiées avait été prononcée sans respect du principe du contradictoire.

Il convient de souligner que le contentieux de la suspension est distinct de celui relatif aux sanctions disciplinaires qui peuvent être prononcées ultérieurement pour les mêmes faits d’absentéisme. Un agent peut ainsi obtenir l’annulation de sa suspension tout en voyant confirmer par le juge la légalité de la sanction disciplinaire, ou inversement.

Stratégies Préventives et Gestion Proactive de l’Absentéisme

Au-delà de l’aspect répressif que représente la suspension, les collectivités territoriales ont tout intérêt à développer des approches préventives pour réduire l’absentéisme injustifié au sein de leurs effectifs. Cette démarche proactive s’inscrit dans une politique plus large de gestion des ressources humaines et de qualité de vie au travail.

La mise en place d’un système de contrôle fiable et transparent constitue la première ligne de défense contre l’absentéisme. Les collectivités peuvent déployer des outils variés pour assurer un suivi rigoureux des présences :

  • Systèmes automatisés de gestion du temps (badgeuses, logiciels dédiés)
  • Procédures formalisées de signalement des absences
  • Contrôles médicaux pour les arrêts maladie suspects
  • Entretiens de retour après absence

La jurisprudence a validé ces dispositifs, à condition qu’ils respectent les droits fondamentaux des agents. Dans l’arrêt Commune de Lens (CAA Douai, 16 mai 2012), les juges ont confirmé la légalité d’un système de pointage biométrique, considérant qu’il répondait à un objectif légitime de lutte contre l’absentéisme.

Au-delà du contrôle, l’analyse des causes profondes de l’absentéisme s’avère fondamentale. Les collectivités territoriales peuvent mettre en œuvre des diagnostics organisationnels permettant d’identifier les facteurs favorisant les absences injustifiées :

Le management joue un rôle déterminant dans la prévention de l’absentéisme. La formation des encadrants aux techniques de gestion d’équipe, à la reconnaissance du travail accompli et à la détection précoce des signes de désengagement peut contribuer significativement à réduire les absences non justifiées. Le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) propose des modules spécifiques sur ces thématiques, adaptés aux réalités des collectivités locales.

L’accompagnement individualisé des agents

La mise en place d’un suivi personnalisé des agents présentant un taux d’absentéisme élevé constitue une approche efficace. Ce suivi peut prendre diverses formes :

Les entretiens professionnels annuels, rendus obligatoires par le décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014, offrent un cadre propice pour aborder les questions d’assiduité et rechercher des solutions adaptées aux difficultés rencontrées par l’agent. Ces entretiens permettent d’établir un dialogue constructif et de fixer des objectifs clairs en matière de présence au travail.

Le recours à la médecine préventive, organisée conformément au décret n° 85-603 du 10 juin 1985, peut aider à identifier d’éventuels problèmes de santé sous-jacents à l’absentéisme. Le médecin de prévention est habilité à proposer des aménagements de poste ou des reclassements susceptibles de favoriser le maintien en activité de l’agent.

L’amélioration des conditions de travail constitue un levier majeur de réduction de l’absentéisme. Les collectivités territoriales peuvent agir sur plusieurs dimensions :

L’aménagement des locaux et des postes de travail, en conformité avec les principes ergonomiques, contribue au bien-être physique des agents et prévient les absences liées à des troubles musculo-squelettiques ou à d’autres pathologies professionnelles. Le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), obligatoire en vertu du décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001, peut servir de base à cette démarche.

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La mise en œuvre de dispositifs favorisant l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle, tels que le télétravail (encadré par le décret n° 2016-151 du 11 février 2016), les horaires flexibles ou le temps partiel choisi, peut réduire les absences liées à des contraintes personnelles. Le tribunal administratif de Grenoble, dans un jugement du 3 février 2016 (Syndicat CGT des agents de la Ville de Grenoble), a reconnu la légalité d’un dispositif d’horaires variables instauré pour lutter contre l’absentéisme.

La valorisation de l’engagement professionnel par des dispositifs de reconnaissance, qu’ils soient financiers (primes liées à l’assiduité) ou non financiers (perspectives d’évolution, formations qualifiantes), peut renforcer la motivation des agents et réduire la tentation de l’absence injustifiée. Le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP), institué par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014, offre un cadre propice à cette valorisation.

La communication interne sur les conséquences de l’absentéisme pour le service public et pour les collègues peut favoriser une prise de conscience collective. Les chartes de temps de travail ou les règlements intérieurs, élaborés en concertation avec les représentants du personnel, peuvent formaliser les attentes de la collectivité en matière d’assiduité tout en précisant les droits et obligations des agents.

Perspectives d’Évolution du Cadre Juridique et Bonnes Pratiques

Le traitement de l’absentéisme injustifié dans la fonction publique territoriale connaît des évolutions significatives, tant sur le plan juridique que managérial. Ces transformations reflètent une approche renouvelée de la gestion des ressources humaines publiques, oscillant entre renforcement des mécanismes de contrôle et développement de pratiques innovantes.

La loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 a introduit plusieurs dispositions susceptibles d’impacter la gestion de l’absentéisme. Parmi les mesures notables figure le rétablissement du jour de carence pour les arrêts maladie, instauré par l’article 115 de la loi de finances pour 2018 et maintenu par les textes ultérieurs. Cette disposition, qui vise à responsabiliser les agents, fait l’objet d’évaluations contradictoires quant à son efficacité réelle sur la réduction de l’absentéisme de courte durée.

Le renforcement du contrôle médical des arrêts de travail constitue une autre évolution marquante. Les collectivités territoriales disposent désormais de possibilités élargies pour faire procéder à des contre-visites médicales en cas de doute sur la justification d’un arrêt. La jurisprudence récente du Conseil d’État (CE, 12 février 2021, Commune de Saint-Denis) a précisé les conditions dans lesquelles ces contrôles peuvent être diligentés, en rappelant qu’ils doivent respecter le secret médical et les droits des agents.

L’allègement des procédures disciplinaires, notamment par la suppression des conseils de discipline de recours prévue par l’article 32 de la loi du 6 août 2019, pourrait faciliter la mise en œuvre de sanctions pour absentéisme injustifié. Cette simplification s’accompagne toutefois d’un renforcement du contrôle juridictionnel, les tribunaux administratifs exerçant un examen approfondi de la proportionnalité des sanctions aux manquements constatés.

L’émergence de nouvelles approches managériales

Au-delà des évolutions législatives, on observe l’émergence de pratiques managériales innovantes visant à prévenir l’absentéisme injustifié :

  • Le développement de la qualité de vie au travail (QVT) comme axe stratégique
  • L’intégration de la prévention de l’absentéisme dans les lignes directrices de gestion
  • L’utilisation d’outils numériques pour faciliter la gestion des temps de présence
  • La mise en place de dispositifs d’alerte précoce sur les risques psychosociaux

Ces approches s’inspirent parfois d’expériences menées dans le secteur privé ou à l’étranger, tout en les adaptant aux spécificités du service public. Le rapport Bérard-Oustric-Seiller sur l’absentéisme dans la fonction publique, remis au gouvernement en 2018, a d’ailleurs souligné l’intérêt de ces démarches transversales et préventives.

Plusieurs collectivités territoriales ont développé des dispositifs innovants qui pourraient préfigurer les évolutions futures. La Ville de Nantes a mis en place un programme global de prévention de l’absentéisme combinant accompagnement individualisé, formation des managers et amélioration des conditions de travail. Ce dispositif a permis une réduction significative du taux d’absentéisme, comme l’a relevé un rapport de la Chambre régionale des comptes des Pays de la Loire en 2020.

Le Département du Nord a quant à lui expérimenté un système de « contrat d’objectifs d’assiduité » proposé aux agents présentant un absentéisme récurrent. Cette démarche contractuelle, associant incitations positives et mesures d’accompagnement, a montré des résultats encourageants tout en évitant le recours systématique aux procédures disciplinaires.

La jurisprudence administrative semble accompagner ces évolutions en adoptant une approche nuancée du contrôle des mesures de suspension pour absentéisme. Dans un arrêt récent (CAA de Nancy, 28 janvier 2022, M. A. c/ Commune de Metz), les juges ont validé une suspension prononcée dans le cadre d’un dispositif gradué de lutte contre l’absentéisme, après que plusieurs mesures d’accompagnement aient été proposées sans succès à l’agent concerné.

Les perspectives d’évolution du cadre juridique laissent entrevoir un possible renforcement des outils de contrôle, notamment par l’extension du recours aux technologies numériques. Toutefois, ces évolutions devront composer avec les exigences du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et le respect des libertés fondamentales des agents, comme l’a rappelé la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) dans sa délibération du 17 septembre 2020 relative aux systèmes de contrôle du temps de travail.

Le développement de la médiation comme mode alternatif de règlement des différends liés à l’absentéisme constitue une autre tendance notable. Instituée à titre expérimental par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 et pérennisée par la loi du 6 août 2019, la médiation préalable obligatoire pourrait offrir un cadre propice à la résolution amiable des situations d’absentéisme, en permettant d’identifier les causes profondes du comportement de l’agent et d’élaborer des solutions adaptées.

En définitive, l’avenir de la gestion de l’absentéisme injustifié dans les collectivités territoriales semble s’orienter vers une approche équilibrée, combinant rigueur juridique et innovations managériales. La suspension, tout en demeurant un outil légitime du pouvoir disciplinaire, s’inscrit désormais dans un continuum de mesures graduées, privilégiant lorsque possible la prévention et l’accompagnement à la sanction.