Action du syndic pour dégradation des parties communes : prérogatives, procédures et responsabilités

La copropriété, régime juridique encadré par la loi du 10 juillet 1965, repose sur un équilibre fragile entre droits individuels et intérêts collectifs. Au cœur de ce système, le syndic joue un rôle fondamental dans la préservation du patrimoine commun. Face aux dégradations affectant les parties communes, son action devient déterminante pour maintenir l’intégrité de l’immeuble et assurer la pérennité des équipements collectifs. De la simple négligence aux actes de vandalisme, ces atteintes nécessitent une réponse juridique adaptée, mobilisant des mécanismes légaux spécifiques. Quelles sont les prérogatives du syndic? Comment peut-il engager efficacement des procédures contre les responsables? Quelles limites encadrent son action? Cette analyse juridique détaille les fondements, modalités et enjeux de l’intervention du syndic face aux dégradations des espaces partagés.

Fondements juridiques de l’action du syndic en cas de dégradation

Le syndic de copropriété tire sa légitimité d’action de plusieurs sources légales qui définissent précisément son champ d’intervention. La loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété constitue le socle fondamental de ses prérogatives. L’article 18 de cette loi confère expressément au syndic la mission d’administrer l’immeuble, de pourvoir à sa conservation et de représenter le syndicat des copropriétaires dans tous les actes civils et en justice. Cette triple mission justifie son intervention directe en cas d’atteinte portée aux espaces communs.

Le décret du 17 mars 1967 complète ce dispositif en précisant les modalités pratiques d’exercice de ces prérogatives. L’article 1er du décret stipule que le syndic est chargé d’assurer l’exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l’assemblée générale. Cette responsabilité implique nécessairement la protection active des parties communes contre toute forme de dégradation.

La jurisprudence a considérablement enrichi ces textes en confirmant l’étendue des pouvoirs du syndic. Ainsi, la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 novembre 1991, a reconnu que le syndic pouvait agir sans autorisation préalable de l’assemblée générale pour faire cesser des dégradations urgentes affectant les parties communes. Cette décision fondamentale a été complétée par l’arrêt du 17 février 2000 qui précise que le syndic peut engager une action en responsabilité contre l’auteur des dégradations, qu’il s’agisse d’un copropriétaire ou d’un tiers.

Le règlement de copropriété constitue une autre source juridique déterminante. Ce document contractuel peut contenir des dispositions spécifiques relatives à l’usage des parties communes et aux sanctions applicables en cas de dégradation. Le syndic puise dans ce règlement une légitimité supplémentaire pour agir contre les auteurs de dommages.

Sur le plan pénal, le Code pénal offre des leviers d’action complémentaires. Les articles 322-1 et suivants, relatifs aux destructions, dégradations et détériorations, permettent au syndic de porter plainte au nom du syndicat lorsque les faits constituent des infractions pénales. La qualification de ces faits peut varier selon la gravité, allant de la contravention au délit, voire au crime dans certaines circonstances aggravantes.

  • Base légale principale : loi du 10 juillet 1965, article 18
  • Texte d’application : décret du 17 mars 1967
  • Fondement contractuel : règlement de copropriété
  • Dispositions pénales : articles 322-1 et suivants du Code pénal

Ces différentes sources juridiques s’articulent pour conférer au syndic un arsenal complet lui permettant d’intervenir efficacement face aux dégradations. Toutefois, la mise en œuvre de ces prérogatives s’inscrit dans un cadre procédural strict qu’il convient d’analyser précisément pour garantir la validité des actions entreprises.

Identification et qualification juridique des dégradations

La mise en œuvre de l’action du syndic nécessite au préalable une identification précise et une qualification juridique adéquate des dégradations constatées. Cette étape préliminaire s’avère déterminante pour orienter la stratégie contentieuse et sélectionner les fondements juridiques appropriés.

Définition juridique des parties communes

Avant toute chose, il convient de délimiter clairement la notion de parties communes. L’article 3 de la loi du 10 juillet 1965 les définit comme « les parties des bâtiments et des terrains affectées à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d’entre eux ». Cette définition englobe notamment:

  • Le gros œuvre des bâtiments
  • Les éléments d’équipement commun (ascenseurs, chauffage central)
  • Les espaces de circulation (couloirs, escaliers, halls d’entrée)
  • Les jardins et cours communes
  • Les locaux techniques et des services communs

Le règlement de copropriété peut préciser cette liste et modifier la répartition entre parties privatives et communes. La Cour de cassation a d’ailleurs confirmé dans un arrêt du 23 juin 2010 que la qualification d’un espace en partie commune dépend de son affectation réelle et non de sa seule mention dans le règlement.

Typologie des dégradations

Les atteintes aux parties communes peuvent revêtir diverses formes, chacune appelant un traitement juridique spécifique:

1. Les dégradations volontaires constituent des actes intentionnels visant à détériorer les parties communes. Elles peuvent relever de l’article 322-1 du Code pénal qui punit « la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui ». Ces actes peuvent être commis par des copropriétaires, des occupants ou des tiers extérieurs à la copropriété.

2. Les dégradations par négligence résultent d’un comportement imprudent ou d’un défaut d’entretien. Elles engagent la responsabilité civile de leur auteur sur le fondement de l’article 1240 du Code civil qui dispose que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

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3. Les dégradations liées à des travaux réalisés par un copropriétaire dans ses parties privatives peuvent affecter les parties communes. L’article 9 de la loi de 1965 encadre strictement ces travaux et peut fonder une action en réparation.

4. Les dégradations résultant d’un usage anormal des parties communes constituent une violation du règlement de copropriété. La jurisprudence a établi que l’usage des parties communes doit rester conforme à leur destination (Cass. 3e civ., 11 janvier 2012).

La qualification juridique précise de la dégradation déterminera la nature de l’action à engager, les délais de prescription applicables et les juridictions compétentes. Ainsi, une dégradation volontaire pourra faire l’objet d’une plainte pénale assortie d’une constitution de partie civile, tandis qu’une dégradation par négligence relèvera davantage d’une action civile en responsabilité.

Pour établir cette qualification, le syndic dispose de plusieurs moyens de preuve: constat d’huissier, rapport d’expertise, témoignages, photographies datées. La Cour de cassation a d’ailleurs précisé dans un arrêt du 19 mai 2004 que la preuve des dégradations peut être rapportée par tous moyens, mais doit être suffisamment caractérisée pour engager la responsabilité de leur auteur.

Procédures précontentieuses : étapes et formalités

Avant d’engager une procédure judiciaire, le syndic doit mettre en œuvre diverses démarches précontentieuses qui constituent souvent un préalable nécessaire à toute action en justice. Ces étapes préliminaires visent non seulement à respecter les obligations légales mais augmentent significativement les chances de résolution amiable du litige.

Constatation et documentation des dégradations

La première démarche du syndic consiste à établir un constat précis et documenté des dégradations affectant les parties communes. Cette phase probatoire s’avère capitale pour la suite de la procédure. Plusieurs moyens peuvent être mobilisés :

  • Le constat d’huissier, qui offre une force probante considérable en raison du caractère authentique de l’acte
  • L’expertise amiable réalisée par un professionnel du bâtiment pour évaluer l’ampleur des dégradations et estimer le coût des réparations
  • Les photographies datées et géolocalisées pour documenter l’état des lieux
  • Les témoignages écrits de copropriétaires ou de tiers ayant constaté les dégradations ou leur auteur

La jurisprudence accorde une importance particulière à la qualité de ces éléments probatoires. Un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 12 septembre 2018 a notamment rejeté une demande de réparation faute de preuves suffisamment précises des dégradations alléguées.

Notification au responsable présumé

Lorsque l’auteur présumé des dégradations est identifié, le syndic doit procéder à une notification formelle. Cette étape revêt une importance juridique considérable puisqu’elle marque le point de départ de la mise en demeure.

Si l’auteur est un copropriétaire, la notification s’effectue généralement par lettre recommandée avec accusé de réception. Ce courrier doit contenir :

– Une description précise des dégradations constatées

– Les éléments de preuve recueillis établissant sa responsabilité

– Le montant estimé des réparations nécessaires

– Un délai raisonnable pour procéder volontairement aux réparations ou proposer une indemnisation

– L’avertissement qu’à défaut de régularisation, une action judiciaire sera engagée

Si l’auteur est un locataire, la notification doit être adressée simultanément au locataire et au propriétaire bailleur, ce dernier étant responsable des dégradations causées par son locataire en vertu de l’article 1732 du Code civil.

Si l’auteur est un tiers à la copropriété, la notification peut être complétée par une plainte auprès des services de police ou de gendarmerie.

Recours à la médiation ou à la conciliation

Avant d’engager une procédure contentieuse, le recours aux modes alternatifs de règlement des conflits peut s’avérer judicieux. La médiation permet d’aboutir à une solution négociée avec l’assistance d’un tiers neutre. La conciliation, quant à elle, peut être menée devant un conciliateur de justice gratuitement.

Ces démarches offrent plusieurs avantages :

– Elles permettent une résolution rapide du litige

– Elles préservent les relations au sein de la copropriété

– Elles évitent les coûts d’une procédure judiciaire

– Elles peuvent aboutir à un accord exécutoire si celui-ci est homologué par un juge

Le Tribunal judiciaire peut d’ailleurs, depuis la réforme de la procédure civile de 2019, imposer une tentative préalable de résolution amiable avant d’examiner certains litiges.

En cas d’échec de ces démarches précontentieuses, le syndic devra envisager l’engagement d’une procédure judiciaire, après avoir obtenu, selon les cas, l’autorisation préalable de l’assemblée générale des copropriétaires conformément à l’article 55 du décret du 17 mars 1967.

Procédures contentieuses et voies de recours

Lorsque les démarches précontentieuses n’ont pas permis de résoudre le litige, le syndic doit engager des procédures contentieuses adaptées à la nature des dégradations et à l’identité de leur auteur. Ces actions judiciaires s’inscrivent dans un cadre procédural strict qu’il convient de maîtriser pour garantir leur efficacité.

Autorisation préalable de l’assemblée générale

Conformément à l’article 55 du décret du 17 mars 1967, le syndic doit, en principe, obtenir une autorisation préalable de l’assemblée générale des copropriétaires pour engager une action en justice au nom du syndicat. Cette autorisation est votée à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés (article 24 de la loi de 1965).

Toutefois, la jurisprudence a apporté d’importantes nuances à cette obligation. La Cour de cassation a ainsi reconnu dans un arrêt du 9 juin 2010 que le syndic peut agir sans autorisation préalable dans trois situations :

  • En cas d’urgence, lorsque l’attente d’une assemblée générale aggraverait le préjudice
  • Pour les actions conservatoires visant à préserver les droits du syndicat
  • Pour les actions en recouvrement de créances

De plus, une autorisation a posteriori peut régulariser l’action engagée par le syndic (Cass. 3e civ., 12 octobre 2017). Cette souplesse jurisprudentielle permet au syndic d’agir rapidement face à des dégradations nécessitant une intervention immédiate.

Action civile en réparation

L’action civile en réparation constitue la procédure la plus fréquemment utilisée par le syndic. Elle vise à obtenir la remise en état des parties communes dégradées ou le versement d’une indemnité compensatoire.

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Cette action s’exerce devant le Tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble, conformément à l’article R. 211-4 du Code de l’organisation judiciaire. La demande est formalisée par une assignation délivrée par huissier de justice, précisant les faits reprochés, les dommages constatés et les fondements juridiques de l’action.

Selon la nature des dégradations, différents fondements juridiques peuvent être invoqués :

– Pour les dégradations commises par un copropriétaire, l’article 9 de la loi de 1965 qui impose de ne pas porter atteinte aux parties communes

– Pour les dégradations résultant de travaux, l’article 1240 du Code civil relatif à la responsabilité délictuelle

– Pour les dégradations causées par un locataire, l’article 1732 du Code civil qui engage la responsabilité du bailleur

Le syndic peut solliciter, outre la réparation du préjudice matériel, l’indemnisation du préjudice moral subi par la collectivité des copropriétaires. La Cour de cassation a reconnu l’existence d’un tel préjudice dans un arrêt du 15 décembre 2010, notamment lorsque les dégradations affectent l’image et la tranquillité de la copropriété.

Action pénale et constitution de partie civile

Lorsque les dégradations présentent un caractère intentionnel, le syndic peut déposer une plainte pénale auprès du procureur de la République ou directement auprès des services de police ou de gendarmerie.

Les qualifications pénales susceptibles d’être retenues varient selon la nature et la gravité des faits :

– La dégradation légère d’un bien destiné à l’utilité publique (contravention de 5e classe, article R. 635-1 du Code pénal)

– La destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui (délit puni de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, article 322-1 du Code pénal)

– La dégradation par incendie ou tout autre moyen dangereux pour les personnes (crime ou délit aggravé selon les circonstances)

Le syndic peut se constituer partie civile au nom du syndicat des copropriétaires, soit par voie d’intervention dans une procédure pénale déjà engagée par le ministère public, soit par voie de citation directe devant le tribunal correctionnel, soit par plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction.

Cette constitution de partie civile permet au syndicat d’obtenir réparation du préjudice subi tout en bénéficiant des investigations menées dans le cadre de la procédure pénale pour établir l’identité de l’auteur des dégradations.

Voies de recours

Les décisions rendues en première instance peuvent faire l’objet de recours. Le syndic peut interjeter appel dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement (article 538 du Code de procédure civile).

En matière pénale, l’appel doit être formé dans un délai de dix jours à compter du prononcé de la décision contradictoire (article 498 du Code de procédure pénale).

Dans certains cas exceptionnels, un pourvoi en cassation peut être formé contre les arrêts rendus en appel, mais uniquement pour violation de la loi ou vice de forme substantiel.

Enjeux pratiques et stratégies efficaces de protection du patrimoine commun

Au-delà des aspects purement juridiques, l’action du syndic face aux dégradations des parties communes comporte des dimensions pratiques et stratégiques déterminantes. Une approche proactive et méthodique permet non seulement de réparer les dommages existants mais d’instaurer une véritable politique de protection du patrimoine collectif.

Prévention et anticipation des dégradations

La meilleure stratégie reste préventive. Le syndic dispose de plusieurs leviers d’action pour limiter les risques de dégradation:

La mise en place de dispositifs de sécurité constitue un premier niveau de protection efficace. L’installation de systèmes de vidéosurveillance dans les espaces communs, conformément aux prescriptions de la CNIL, peut avoir un effet dissuasif significatif. Une décision de la Cour d’appel de Lyon du 7 mars 2019 a d’ailleurs reconnu la légitimité de tels dispositifs lorsqu’ils sont proportionnés à l’objectif de protection des biens. De même, l’installation de portes sécurisées, de digicodes ou de badges d’accès limite les intrusions de personnes extérieures à la copropriété.

L’élaboration d’un règlement intérieur détaillé peut compléter utilement le règlement de copropriété en précisant les conditions d’usage des parties communes et les comportements prohibés. Ce document, adopté en assemblée générale à la majorité de l’article 24, peut prévoir des sanctions spécifiques en cas de non-respect des règles établies.

La sensibilisation régulière des copropriétaires et occupants constitue un autre axe préventif majeur. L’organisation de réunions d’information, la diffusion de notes explicatives ou l’affichage de consignes claires dans les espaces communs permettent de développer une conscience collective de préservation du patrimoine commun.

Gestion optimale des sinistres et indemnisations

Lorsque des dégradations surviennent malgré les mesures préventives, la gestion efficace des sinistres devient primordiale:

La déclaration aux assurances doit être effectuée dans les délais contractuels, généralement 5 jours ouvrés à compter de la découverte du sinistre. Le contrat multirisque immeuble souscrit par le syndicat des copropriétaires couvre habituellement les dégradations des parties communes, sous réserve des franchises et exclusions prévues. Le syndic doit veiller à constituer un dossier complet comprenant photos, devis de réparation et circonstances du sinistre.

La coordination avec l’assurance dommages-ouvrage peut s’avérer nécessaire lorsque les dégradations résultent d’un vice de construction ou affectent des éléments couverts par la garantie décennale. Dans ce cas, la procédure d’expertise contradictoire prévue par l’article L. 242-1 du Code des assurances doit être scrupuleusement respectée.

Le recours contre les assurances de responsabilité civile des auteurs identifiés des dégradations constitue une voie complémentaire d’indemnisation. Le syndic peut exercer une action directe contre l’assureur du responsable, conformément à l’article L. 124-3 du Code des assurances.

Communication et transparence envers les copropriétaires

La gestion des dégradations implique une communication claire et régulière avec l’ensemble des copropriétaires:

L’information sur les procédures engagées doit être transmise lors des assemblées générales mais peut être complétée par des bulletins d’information périodiques. Cette transparence renforce la confiance des copropriétaires dans l’action du syndic et facilite l’obtention des autorisations nécessaires pour les actions judiciaires.

La consultation préalable du conseil syndical, organe consultatif prévu par l’article 21 de la loi de 1965, permet d’associer les copropriétaires aux décisions stratégiques et de bénéficier de leur connaissance du terrain. Cette collaboration peut s’avérer précieuse pour identifier les auteurs de dégradations ou recueillir des témoignages.

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La présentation détaillée des coûts et bénéfices des actions entreprises lors des assemblées générales favorise l’adhésion des copropriétaires. Un rapport coût/efficacité défavorable peut conduire à privilégier des solutions alternatives aux procédures judiciaires longues et coûteuses.

Valorisation à long terme du patrimoine commun

Au-delà de la simple réparation des dégradations, le syndic doit inscrire son action dans une stratégie globale de valorisation du patrimoine:

L’élaboration d’un plan pluriannuel de travaux, rendu obligatoire par la loi Climat et Résilience pour certaines copropriétés, permet d’anticiper le renouvellement des équipements et d’éviter leur dégradation par vétusté. Ce plan, établi sur dix ans, identifie les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble et à la réduction des consommations énergétiques.

La constitution de provisions spéciales pour travaux futurs, conformément à l’article 18 de la loi de 1965, garantit la disponibilité des fonds nécessaires aux réparations d’urgence et aux améliorations programmées. Ces provisions, votées en assemblée générale, constituent une épargne collective protégeant le patrimoine commun.

L’intégration de la dimension environnementale dans la gestion des parties communes répond aux exigences légales croissantes et aux attentes des copropriétaires. Les travaux de rénovation suite à des dégradations peuvent être l’occasion d’améliorer la performance énergétique de l’immeuble et de valoriser durablement le patrimoine collectif.

Cette approche stratégique de la protection des parties communes dépasse la simple réaction aux dégradations pour s’inscrire dans une démarche proactive de préservation et d’amélioration continue du cadre de vie collectif.

Perspectives d’évolution du cadre juridique et nouvelles responsabilités

Le cadre juridique régissant l’action du syndic face aux dégradations des parties communes connaît des évolutions significatives, reflétant les transformations sociales et les nouveaux enjeux de la copropriété. Ces mutations dessinent de nouvelles perspectives et responsabilités pour les acteurs de la gestion immobilière collective.

Impact des réformes législatives récentes

Plusieurs réformes législatives majeures ont modifié le paysage juridique de la copropriété ces dernières années, avec des implications directes sur la protection des parties communes:

La loi ELAN du 23 novembre 2018 a renforcé les pouvoirs du syndic en matière de mise en œuvre des décisions de l’assemblée générale. L’article 17-1 A de la loi de 1965, issu de cette réforme, prévoit désormais explicitement que le syndic peut prendre toutes mesures conservatoires pour préserver la sécurité des personnes et des biens dans l’immeuble. Cette disposition élargit sa capacité d’intervention rapide face aux dégradations présentant un caractère dangereux.

L’ordonnance du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété a simplifié certaines procédures décisionnelles en assemblée générale. La possibilité de voter par correspondance facilite l’obtention des autorisations nécessaires pour engager des actions en justice ou réaliser des travaux de réparation urgents.

La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 introduit une obligation de diagnostic technique global et de plan pluriannuel de travaux pour les immeubles de plus de 15 ans. Cette approche préventive devrait réduire les risques de dégradation liés au vieillissement des équipements et structures. L’article 171 de cette loi renforce les exigences en matière d’entretien des parties communes et d’amélioration de leur performance énergétique.

Digitalisation et nouvelles technologies

L’émergence des technologies numériques transforme profondément les modalités de surveillance et de protection des parties communes:

Les systèmes connectés de surveillance et de contrôle d’accès offrent des capacités inédites de prévention et de documentation des dégradations. La jurisprudence récente encadre progressivement l’utilisation de ces dispositifs, comme l’illustre un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 18 septembre 2020 qui précise les conditions de recevabilité des preuves issues de caméras de surveillance.

Les plateformes numériques de gestion de copropriété facilitent le signalement et le suivi des dégradations. Ces outils permettent aux copropriétaires de documenter en temps réel les problèmes constatés et au syndic d’organiser plus efficacement les interventions nécessaires. L’article 42-1 de la loi de 1965, introduit par l’ordonnance du 30 octobre 2019, reconnaît désormais la validité des notifications électroniques dans les rapports entre le syndic et les copropriétaires.

La modélisation BIM (Building Information Modeling) des immeubles offre une vision intégrée du bâti facilitant le diagnostic des dégradations structurelles et la planification des réparations. Cette technologie, encore peu déployée en copropriété, pourrait révolutionner la gestion préventive du patrimoine commun.

Évolution jurisprudentielle et responsabilité accrue

La jurisprudence récente tend à renforcer la responsabilité du syndic tout en précisant l’étendue de ses obligations:

L’obligation de vigilance renforcée du syndic face aux risques de dégradation a été affirmée par plusieurs décisions récentes. Un arrêt de la Cour de cassation du 7 novembre 2019 a ainsi retenu la responsabilité d’un syndic pour défaut de diligence dans la mise en œuvre de mesures préventives contre des infiltrations récurrentes affectant les parties communes.

Le devoir de conseil du syndic s’étend désormais à l’information des copropriétaires sur les risques potentiels de dégradation et les mesures préventives recommandées. La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 4 février 2021, a considéré que ce devoir implique de proposer spontanément à l’assemblée générale les travaux nécessaires à la préservation de l’immeuble.

La responsabilité environnementale constitue une dimension émergente des obligations du syndic. Plusieurs décisions récentes ont sanctionné des syndics n’ayant pas pris les mesures appropriées face à des dégradations entraînant des pollutions ou des surconsommations énergétiques affectant les parties communes.

Vers une gestion préventive et collaborative

Les évolutions juridiques et sociétales dessinent un nouveau paradigme de gestion des parties communes:

L’émergence d’une gouvernance participative de la copropriété favorise l’implication directe des copropriétaires dans la préservation du patrimoine commun. Les syndics coopératifs, dont le statut a été renforcé par l’ordonnance du 30 octobre 2019, incarnent cette tendance en associant étroitement les copropriétaires à la gestion quotidienne de l’immeuble.

L’intégration des enjeux de développement durable dans la gestion des copropriétés modifie l’approche des dégradations. La réparation devient l’occasion d’une amélioration qualitative, notamment en matière de performance énergétique. Cette perspective est encouragée par les dispositifs d’aide financière prévus par la loi Climat et Résilience.

La professionnalisation accrue des syndics, encouragée par le renforcement des exigences de formation et de certification, devrait conduire à une gestion plus technique et anticipative des risques de dégradation. La complexification du cadre juridique et technique rend indispensable cette évolution vers une expertise renforcée.

Ces perspectives d’évolution dessinent une transformation profonde du rôle du syndic face aux dégradations des parties communes. D’une fonction principalement réactive et contentieuse, sa mission évolue vers une approche préventive, collaborative et intégrée de la protection du patrimoine collectif. Cette mutation répond aux attentes croissantes des copropriétaires en matière de préservation de la valeur de leur bien et d’amélioration de leur cadre de vie.